Tony GATLIF

Gitan d’origine andalouse, Michel Dahmani, dit Tony Gatlif, voit le jour le 10 septembre 1948 dans un bidonville à trente kilomètres d’Alger. Sa famille est sédentarisée depuis trois générations. « Autour de nous, c’était l’enfer, confie-t-il à “Télérama” en 1999. Il n’y avait pas de travail, on était méprisés, il ne restait que la solution de la délinquance. Mon père bricolait, chinait, faisait un peu de tout… Mon oncle, qui avait à peine vingt ans, était voleur. On passait notre temps à aller le voir en prison, avec ma mère. Dès qu’il sortait, il récidivait. J’avais beaucoup d’admiration pour lui. » L’école en préfabriqué du bidonville ne l’attire pas jusqu’à ce qu’un instituteur organise des projections de cinéma. « On est tous tombés amoureux de Brigitte Fossey, la petite fille blonde de JEUX INTERDITS. On aurait rêvé de lui prendre sa poupée. Mon cousin s’écrivait des lettres à son propre nom, pour faire croire que la petite fille lui avait écrit. » (in “Libération” en 1983)

Sa seconde passion est le dessin. Plus tard, il sera élève des Beaux-Arts. Pour l’heure, il refuse, à douze ans, un mariage arrangé et s’enfuit à Alger où il devient cireur de chaussures. À quatorze ans, il navigue entre Marseille et Paris. Les rapines et les maisons de correction sont son lot quotidien. En 1965, il passe devant le théâtre où Michel Simon joue “Du Vent dans les branches de Sassafras” de René de Obaldia. Tony croit rentrer dans un cinéma, la vision du comédien en chair et en os le pétrifie. Il se glisse dans sa loge et Michel Simon le recommande à son agent. Peu après, la découverte de Jean Seberg dans À BOUT DE SOUFFLE achève de déterminer sa vocation.

Le médecin de son Foyer de jeunes travailleurs l’inscrit au Conservatoire d’Art Dramatique de Saint-Germain-en-Laye. Il intègre le cours de Jacqueline Rouillard-Jabbour, qui verra passer au fil des années des élèves tels que Bruno Pradal, Vladimir Yordanoff, Didier Bourdon, Catherine Jacob ou Hervé Pauchon, qui tiendra plusieurs petits rôles dans les films de Tony.

En 1971, René Lucot l’engage pour le feuilleton télévisé : “Les Boussardel”. L’année suivante, il joue sur scène sous la direction de Claude Régy, “Saved” d’Edward Bond, aux côtés d’Hughes Quester, Élisabeth Wiener et du jeune Gérard Depardieu. En 1973, il est de LA RAGE AUX POINGS d’Éric Le Hung et en 1974, de L’AGRESSION de Gérard Pirès.

Avec le recul, Tony Gatlif jette un regard sévère sur LA TÊTE EN RUINES, son premier long métrage, tourné en 16 mm. « Il me faisait pleurer, il était trop affreux ce film. Mais il m’a servi : c’est comme si j’avais fait l’IDHEC, un apprentissage du cinéma qui m’a coûté vingt briques, l’intégralité de mon premier gros cachet d’acteur. » (in “Libération”) Il se montre plus satisfait de LA TERRE AU VENTRE qui évoque l’Algérie et l’exil ou de CORRE GITANO, consacré à la culture des gitans de Séville.

Avec LES PRINCES, il pousse plus avant la quête de ses racines et entame une trilogie d’hommage à ses ancêtres roms. Le film remporte un succès d’estime, lance la carrière de Gérard Darmon et surtout offre à Gatlif une nouvelle rencontre inoubliable en la personne de Gérard Lebovici, son distributeur. Ils écrivent ensemble RUE DU DÉPART.

Hélas, son mentor, un ancien agent artistique et éditeur d’œuvres littéraires d’inspiration anarchiste, devenu producteur, est assassiné en mars 1984. À nouveau, Gatlif doit faire ses preuves tout seul. Il convainc Michèle Ray-Gavras de produire LATCHO DROM, un hymne à la musique tzigane, puis il revient à la fiction avec GADJO DILO, dont les vedettes sont Romain Duris et Rona Hartner, qu’il retrouvera dans JE SUIS NÉ D’UNE CIGOGNE.

Deux autres de ses films ont pour vedettes des enfants : MONDO, adapté d’une histoire de Jean-Marie Le Clézio, autour d’un orphelin fasciné par un magicien et LUCUMI, L’ENFANT RUMBEIRO DE CUBA.

S’il ne renie pas aujourd’hui RUE DU DÉPART (avec Ann Gisel Glass et François Cluzet), PLEURE PAS, MY LOVE (avec Fanny Ardant et Rémi Martin) ou GASPARD ET ROBINSON (avec Gérard Darmon et Vincent Lindon), il les ressent tout de même « comme une tentative un peu contrainte d’intégrer le cinéma majoritaire. » (in “Télérama”).